Simplification du droit de l’urbanisme : ce que pourrait changer la proposition de loi Huwart
La crise du logement et l’empilement des normes ont mis sous tension l’ensemble de la chaîne de l’aménagement : collectivités, opérateurs, bailleurs, particuliers. Dans ce contexte, la proposition de loi portée par le député Harold Huwart a pour ambition rien de moins que « dégripper » le droit de l’urbanisme et accélérer la production dans le secteur du logement.
Après une première adoption à l’Assemblée nationale (15 mai 2025) puis au Sénat (17 juin 2025), un accord a été trouvé en commission mixte paritaire (3 juillet 2025) et la version de compromis a été adoptée par le Sénat le 9 juillet 2025. À la date à laquelle nous rédigeons cet article, le vote définitif de l’Assemblée est encore attendu.
Au-delà du calendrier, l’intention est claire : alléger les procédures, réduire les délais et donner des marges de manœuvre opérationnelles aux territoires. Le texte s’inscrit dans une séquence plus large de réformes touchant l’urbanisme et le logement, sur fond de chute des mises en chantier et de besoins pressants (près de 2,5 millions de ménages en attente d’un logement social).
L’approche se veut pragmatique : corriger les blocages juridiques identifiés et outiller les collectivités pour relancer des projets bloqués.
1) Des procédures d’urbanisme resserrées et rationalisées
La proposition de loi recompose les voies d’évolution des documents d’urbanisme.
Elle ramène à seulement deux familles les procédures de modification des PLU/PLUi et des SCoT : la révision pour les évolutions structurantes et une modification de droit commun pour le reste, afin d’éviter le recours systématique à des procédures trop lourdes. Elle prévoit aussi la dispense d’évaluation environnementale lorsque la modification se limite à corriger une erreur matérielle ou à réduire une zone urbaine/à urbaniser, et étend la participation du public par voie électronique (PPVE) pour fluidifier la concertation.
Toujours dans cette logique de simplification, lorsque les périmètres coïncident, SCoT et PLUi pourront être fusionnés en un document unique, ce qui mutualise les coûts d’élaboration et stabilise la hiérarchie des normes locales.
Par ailleurs, certaines décisions dérogatoires au PLU(i) supposeraient l’accord du maire, réaffirmant le rôle déterminant de la commune dans l’arbitrage de certains projets.
Enfin, côté foncier, le texte permet l’adhésion directe des communes aux EPF (y compris d’État) et allonge la durée d’exonération fiscale du portage pour donner de l’air aux stratégies d’acquisition et de recyclage foncier.
2) Des mécanismes concrets pour produire des logements
Sur le terrain opérationnel, la mesure principale est la création d’un permis d’aménager multisites : un même permis pourra couvrir des unités foncières non contiguës, avec la possibilité d’intégrer des parcelles à renaturer. Avec ce mécanisme, l’idée est d’accélérer des opérations fragmentées sans multiplier les dossiers ni juxtaposer des procédures.
Le texte facilite aussi la production dans les zones d’activité économique (ZAE) et autorise, au cas par cas, des dérogations au PLU lorsque l’interdiction de construire freine des besoins manifestes de logements, y compris en dehors des seules communes dites « tendues ».
Autre point attendu par les maîtres d’ouvrage : la surélévation ou la transformation limitée d’un bâtiment régulièrement édifié ne pourrait plus être refusée au seul motif de sa non-conformité aux règles nouvelles intervenues postérieurement. Les changements de destination en zones naturelles, agricoles ou forestières (NAF) sont assouplis, pour favoriser la reconversion de bâti existant.
Le texte adapte également pendant dix ans le régime des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) et crée des résidences à vocation d’emploi, afin de loger temporairement travailleurs en mobilité, saisonniers, étudiants ou apprentis, avec loyers encadrés et bail mobilité.
Dans le même esprit, les dérogations aux règles d’urbanisme applicables à certains grands projets (notamment industriels ou énergétiques) seraient étendues et portées à 20 ans, pour sécuriser des calendriers d’investissement longs.
Enfin, le délai d’acquisition des « biens sans maître » par les collectivités serait réduit de 30 à 15 ans, en étant applicable aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2027, pour mobiliser plus vite du foncier diffus.
3) Ombrières photovoltaïques sur les parkings : vers un assouplissement
La loi APER du 10 mars 2023 impose de doter les parkings extérieurs supérieurs à 1 500 m² d’ombrières photovoltaïques sur au moins la moitié de la surface, selon un calendrier échelonné de 2026 à 2028.
La proposition Huwart vient assouplir ce cadre, en prévoyant la possibilité de mixer ombrières et végétalisation (arbres à large canopée), avec un plancher de 35 % de la moitié de la surface obligatoirement couverte par des ombrières, et ouverture à un mix d’énergies (avec par exemple la combinaison du photovoltaïque et de la géothermie).
Le calendrier est ajusté pour les parkings de 1 500 à 10 000 m², avec un report possible jusqu’au 1er janvier 2030 afin d’assurer un approvisionnement résilient.
4) Contentieux et lutte contre les recours dilatoires
Le texte ne se limite pas aux actes d’urbanisme : il comporte un volet contentieux visant à clarifier l’intérêt à agir, à sécuriser la substitution de motifs par le juge et, plus globalement, à accélérer le traitement des recours pour limiter les stratégies dilatoires.
Pour les projets de logements, la réduction des délais et l’encadrement procédural doivent améliorer la prévisibilité des opérations. Il s’agit là d’un enjeu déterminant pour les bailleurs sociaux et les promoteurs.
5) Quels seraient les effets pratiques de cette réforme ? (trois cas d’usage)
Pour une commune : la fusion SCoT/PLUi à périmètre identique et l’adhésion directe à un EPF simplifient très nettement la gouvernance et la stratégie foncière. À court terme, une collectivité peut prioriser une simple modification (plutôt qu’une révision) pour corriger une erreur matérielle et ouvrir plus vite un secteur à un programme mixte, tout en recourant à la PPVE pour une concertation plus agile.
Pour un opérateur privé : le permis d’aménager multisites évite la multiplication de dossiers sur des tènements dispersés, et la sécurisation des surélévations/transformation limitée pourrait lever des blocages coûteux sur du bâti existant. Les dérogations encadrées au PLU, validées par le maire, peuvent en outre faciliter des opérations dans des tissus économiques où la demande de logements est forte (réindustrialisation, zones touristiques ou universitaires).
Pour un particulier : un projet de surélévation ou de transformation, régulièrement autorisé à l’origine, gagne en sécurité juridique face à l’évolution des règles. En zone NAF, les marges de manœuvre en changement de destination sont un signal utile, sans exonérer des vérifications environnementales et agricoles requises.
6) Comment notre cabinet pourra vous accompagner dans ces changements ?
Pour les collectivités et les opérateurs, l’enjeu ne sera pas seulement de connaître ces nouveaux dispositifs, mais bien de les hiérarchiser et de les actionner au moment le plus opportun pour leur projet.
L’accompagnement par un avocat spécialisé en droit de l’urbanisme comme Maître de Poulpiquet vous permettra :
- d’auditer les documents d’urbanisme (choix entre modification et révision, opportunité d’une fusion SCoT/PLUi, compatibilités à surveiller) ;
- d’orchestrer la concertation (PPVE) et de cadrer les dérogations au PLU avec l’exécutif local
- de sécuriser les autorisations demandées (permis multisites, surélévations, changements de destination) et d’anticiper ainsi les risques contentieux
- de structurer le foncier (adhésion/partenariat avec un EPF, portage, biens sans maître) et d’adapter les opérations pour y inclure des « clauses énergie » liées à la solarisation des parkings.
En conclusion
La proposition Huwart ne prétend pas forcément réinventer le droit de l’urbanisme, mais elle s’emploie à débloquer des verrous identifiés, en réorganisant des procédures, en ouvrant des dérogations ciblées et en apportant des solutions concrètes aux acteurs de ce secteur.
L’efficacité réelle dépendra in fine de la mise en œuvre réglementaire, de la capacité des acteurs à s’en saisir et bien-sûr du vote définitif attendu à l’Assemblée nationale.
En attendant ces confirmations, collectivités, promoteurs et bailleurs ont tout intérêt à cartographier leurs projets à l’aune de ces nouveaux leviers. Le cabinet de Maître de Poulpiquet vous accompagnera dans ces changements, afin d’adapter et sécuriser vos projets en cours et à venir face à ces différentes réformes.
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